« La désinformation est un véritable cancer pour les sociétés modernes, elle conduit à la manipulation et in fine à la violence. Nous sommes bien placés ici à Beni pour le savoir. Nous avons compris que la désinformation dans cette ville de Beni est en train de nous causer beaucoup de torts. C’est ainsi que nous avons trouvé utile d’organiser cet atelier qui réunit les administrateurs de groupes WhatsApp, le temps pour nous de réfléchir à qu’est-ce-qu’il ne faut pas partager, comment vérifier l’authenticité d’une informations, comment éviter de manipuler les gens dans les groupes WhatsApp, etc. ».
Samuel Don Katembo Sekanabo, le président du parlement des jeunes de la ville de Beni s’exprimait ainsi ce jeudi 20 avril 2023 à Beni-ville à l’ouverture d’un atelier sur la lutte contre la désinformation que sa structure a organisé à l’intention de 58 administrateurs (dont 9 administratrices) de groupes WhatsApp. Non sans regrets, car a-t-il ajouté, « on a constaté depuis un certain temps que les réseaux sociaux tendent à remplacer les médias classiques, les gens ne s’informent plus qu’à travers les réseaux sociaux ; or les informations qu’ils véhiculent ne sont pas toujours vérifiées ni vérifiables ».
Campagne anti-MONUSCO : entre rumeurs et manipulation.
Il cite le cas des manifestations contre la MONUSCO de l’année 2022 au cours desquelles selon lui, beaucoup de jeunes ont été manipulés et beaucoup de fausses informations ont circulé sur la nature du travail de la Mission des Nations Unies dans la zone de Beni-Butembo-Lubero.
« Oui, il y a eu cette campagne contre la MONUSCO, mais qui était pleine de désinformation, pleine de fausses rumeurs. Nous sommes ici aujourd’hui, pour former les administrateurs de groupes WhatsApp sur comment ils peuvent faire pour limiter cette désinformation dans leurs groupes, car nous avons constaté que WhatsApp laisse tout passer, et même s’il s’agit de rumeurs, il n’y a pas moyen de la bloquer ».
Afin d’aider à lutter contre cette désinformation et à prévenir la violence communautaire, le parlement des Jeunes de la ville de Beni, en collaboration avec la Section des Affaires politiques de la MONUSCO/Beni, a organisé cet atelier d’un jour sur « la désinformation sur les réseaux sociaux, en particulier dans les groupes WhatsApp ». C’est une initiative du projet ACHA KUDANGANYA WATU, entendez STOP AUX MANIPULATIONS.
Les dangers de la désinformation : risques pour les démocraties.
Si cette structure de la Jeunesse tire la sonnette d’alarme, c’est parce qu’elle est consciente des dangers que représentent la désinformation et son corollaire que sont les discours de haine ou incitatifs à la violence. Avec les conséquences que l’on sait : atteinte à l’intégrité morale ou physique de personnes, discrédit ou haine envers les institutions, imputations dommageables, etc.
Laurent Wastelain est officier à la Section des Affaires politiques de la MONUSCO à Beni. Il en appelle à la responsabilité sociale des administrateurs des groupes WhatsApp et attire leur attention sur le fait que désormais, la loi réprimandera ceux et celles qui continueront de véhiculer les fausses informations pour nuire à des individus ou à des institutions :
« Les dangers de la désinformation sont multiples ; ça peut nuire à des personnes, à des Institutions, à des organisations et même à des Etats. C’est très important que les administrateurs des groupes WhatsApp aient conscience des responsabilités qu’ils ont dans la circulation des informations qu’ils sont en train de véhiculer, en s’assurant que les sources d’informations sont vérifiées et que ça ne nuise pas à qui que ce soit et ne tombent pas sous le coup de la nouvelle loi congolaise qui réprimande les administrateurs de groupes WhatsApp qui répandent de fausses informations contre des personnes ou des Institutions ».
Acte d’engagement
L’on retiendra de cette journée de sensibilisation que les participants ont signé un « acte d’engagement » à travers lequel ils promettent de désormais mieux contrôler ce qu’ils diffusent, en vérifiant les sources et l’authenticité des informations à diffuser ; mais aussi de recadrer les membres de leurs différents groupes en cas de diffusion d'informations contraires à la vérité, et même de supprimer certains contenus jugés haineux ou mensongers.
« Au sortir de cet atelier, je m’engage, en tant qu’administratrice du groupe WhatsApp, à bien contrôler le groupe, surtout les informations qui proviennent d’autres groupes ; je vérifierai désormais par deux fois la source d’information et s’il s’avère que la source n’est pas fiable, en ma qualité d’administratrice du groupe, je serais obligée de retirer cette information sans la publier. Vérifier la source de l’information, c’est savoir par exemple qui est l‘auteur de la publication, est-ce-que c’est une personne mature, pourquoi elle partage cette information, y a-t-il une intention cachée derrière sa publication ? », a affirmé Léontine Kavugho Muyala, Administratrice du groupe WhatsApp « Femmes parlementaires » de la ville de Beni.
Dura lex sed lex : plus dure sera la loi
Une autre bonne nouvelle est l’implication de l’Etat congolais qui vient de voter une loi pour lutter contre la désinformation et réglementer l’univers impitoyable des réseaux sociaux et surtout WhatsApp qui semblait échapper jusque-là à tout contrôle. Une motivation supplémentaire pour ces administrateurs et administratrices de groupes WhatsApp qui affirment vouloir éviter de tomber dans les mailles de la justice.
« Nous devons désormais faire très attention, car avec la nouvelle loi sur les administrateurs de groupes que le Parlement vient d’adopter sur les réseaux sociaux, nous devons veiller sur ce que nous publions, pour ne pas nous faire interpeller et nous faire emprisonner. Avant, on faisait peut-être mal notre travail, parce que nous n’étions pas informés de tout ce que nous avons appris ici aujourd’hui dans cet atelier. Maintenant, nous sommes mieux outillés par rapport à l’administration de groupes WhatsApp », reconnait Léontine Kavugho Muyala.
Constant Same Bagalwa depuis Beni